Thèse de Jean-Lucien SANCHEZ

La relégation des récidivistes en Guyane (Loi du 27 mai 1885)

Notre thèse porte sur l'étude de la colonisation pénale de la Guyane française par des relégués internés au bagne colonial de Saint-Jean-du-Maroni. La loi sur la relégation des récidivistes votée le 27 mai 1885 entraîne l'exil à perpétuité au sein d'une colonie de délinquants et de criminels récidivistes. De 1887 à 1953, la Guyane va ainsi recevoir plus de 17 000 condamnés destinés à devenir des colons et à s'intégrer au tissus économique et social de la colonie. Les cibles de cette loi sont essentiellement des délinquants récidivistes condamnés pour des délits de vol simple, d'escroquerie et de vagabondage et leur "élimination sociale" repose sur une mécanique unique dans l'histoire du droit pénal français. La relégation aménage en effet une "présomption irréfragable d'incorrigibilité" qui repose sur un quantum, c'est-à-dire sur un nombre de peines qui, si elles sont toutes inscrites au casier judiciaire d'un condamné récidiviste, entraînent le prononcé obligatoire pour le magistrat de la peine de la relégation. Cette loi détermine ainsi un seuil positif qui consacre l'existence de criminels et de délinquants dits incorrigibles. Notre travail repose donc d'une part sur l'analyse de la construction de la catégorie pénale de criminels incorrigibles que la relégation vient consacrer en droit à partir de 1885 et s'articule d'autre part sur les modalités d'application de cette mesure sur le sol de la métropole puis sur celui de la colonie.

Le processus d'élaboration de la relégation s'effectue au sein d'une configuration politique qui conduit les législateurs à subir de multiples pressions et à tenir compte des conclusions dégagées par un grand nombre d'acteurs extérieurs à la sphère parlementaire. L'origine de cette loi est ainsi fortement conditionnée par des experts du crime et des peines, par des magistrats et par des statisticiens qui vont construire dans leurs domaines d'activité respectifs une représentation de la criminalité qui repose sur une distinction fondamentale à partir de la seconde moitié du XIXe siècle : le partage entre criminels d'accident ou d'occasion et criminels d'habitude ou incorrigibles. Ces derniers correspondent à tous ceux que la pénalité classique, c'est-à-dire l'emprisonnement, ne parvient plus à "corriger" et les multiples récidives dont ils sont coupables manifestent aux yeux des législateurs leur dangerosité avérée. Dans ce schéma, la relégation permet de garantir à la métropole sa sécurité en les exilant hors d'elle et permet d'espérer leur relèvement grâce à un changement de "milieu" salvateur.

Mais la relégation, en étiquetant comme incorrigibles tous les condamnés qu'elle atteint, ne manque pas de les signaler comme tels sur le sol de la colonie. Le stigmate de l'incorrigibilité poursuit ainsi les relégués en Guyane et, partagé par les acteurs en charge de les condamner en métropole, il est également partagé en Guyane par les acteurs en charge de faciliter et d'organiser leur réinsertion. Loin de faciliter leur installation sur place, la relégation s'apparente ainsi à une condamnation aux travaux forcés et les relégués demeurent une main-d'œuvre essentiellement employée aux besoins d'un bagne colonial.

  • Thèse d'histoire sous la direction de Gérard Noiriel, EHESS

  • Date de soutenance : 03 décembre 2009

 

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