Thèse de Gwénaëlle MAINSANT

L'État et les illégalismes sexuels. Ethnographie et sociohistoire du contrôle policier de la prostitution à Paris

Le contrôle de la prostitution par l'État n'a cessé, depuis un demi-siècle, d'être présent dans le débat public, qui a été relancé dans les années 2000 autour de la loi pour la sécurité intérieure. Alliant ethnographies en terrain policier, archives et sources de presse, cette thèse propose une analyse sociohistorique du contrôle policier de la prostitution à Paris de 1946 à 2008. À l’échelle de la police, la thèse souligne d’abord l’absence d’une politique de la prostitution et a fortiori d’une politique de la sexualité unifiée et cohérente. La sociohistoire de la brigade des mœurs montre en effet la progressive disparition de l’objet « mœurs » dans le contrôle policier durant la seconde moitié du XXe siècle. En vigueur depuis 2003, la loi pour la sécurité intérieure fournit un cas d’école pour analyser à l’échelle de plusieurs groupes professionnels un cadre juridique marqué par des contradictions (prostitué-e à la fois victime et auteur d’infraction) et par une forte indétermination (notamment, l’absence de définition en droit de la prostitution). La thèse montre de ce point de vue comment routines et hiérarchies professionnelles policières participent à produire le droit « par le bas ».

De surcroît, cette recherche contribue à une anthropologie politique et morale. Elle analyse la tension entre logiques compassionnelle et répressive, inhérente aux politiques contemporaines de la prostitution, non pas à l’échelle des cadres cognitifs « macro » des politiques, mais à l’échelle des pratiques d’évaluation morale des individus (proxénètes et prostitué-e-s) par les street-level bureaucrats. Ce parti-pris  rend alors possible une description fine de l’articulation des dimensions morale et professionnelle dans les interactions quotidiennes qui constituent le contrôle policier de la prostitution. L’attention prêtée aux processus de catégorisation des clientèles policières permet également de montrer comment la définition policière de la prostitution contribue à produire tout autant le genre des populations contrôlées que celui des contrôleurs. Elle éclaire de surcroît la dimension émotionnelle à l’œuvre dans la gestion différentielle des illégalismes sexuels par les street-level bureaucrats. Enfin, cette thèse importe les questionnements relatifs aux cadres cognitifs de l’action publique pour montrer, à partir d’une analyse de la réception des discours publics dans la rhétorique professionnelle policière et de la production et de la diffusion des savoirs policiers, comment se construit « par le bas » la pensée d’État dans le cas du contrôle de la prostitution.

Mots clefs : genre ; sexualité ; prostitution ; profession ; police ; action publique ; administration ; État ; politique ; sociologie du droit ; ethnographie ; savoirs ; déviance ; travail émotionnel ; racialisation ; anthropologie morale.

 

  • Thèse de sociologie sous la direction de Didier Fassin, EHESS
  • Date de soutenance : 19 novembre 2012
  • Jury
    Didier Demazière, directeur de recherche au CNRS, rapporteur
    Didier Fassin, professeur à l’Institut d’Étude Avancée de Princeton, directeur d’études à l’EHESS, directeur de thèse
    Pascale Laborier, professeure  à l'Université Paris X-Nanterre, rapporteure
    Rose-Marie Lagrave, directrice d'études à l'EHESS
    Lilian Mathieu, directeur de recherche au CNRS
    Geneviève Pruvost, chargée de recherche au CNRS
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