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AAC > Les sciences humaines et sociales face au foisonnement biographique - Innovations méthodologiques et diversité des approches > 30 novembre 2015

Colloque 10-11 mars 2016, EHESS

Appel à Communications

Les sciences humaines et sociales face au foisonnement biographique - Innovations méthodologiques et diversité des approches

(Colloque les 10 & 11 mars 2016, EHESS, Paris)

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Inscription au colloque (gratuite mais obligatoire)

 

 

Appel

Dans une société de plus en plus caractérisée par l’individuation et plus d’un demi-siècle après le retour en force de l’intérêt pour le discours des acteurs.trices en sciences sociales, un débat sur l’usage des données biographiques semble nécessaire.

À cette fin, il s’agira d’interroger le foisonnement biographique, le recueil et l’analyse des données allant d’un discours sur soi réalisé au jour le jour à un récit de vie davantage construit (voire rétrospectif), et cela que les biographies soient construites par un tiers ou qu’elles soient le résultat de la réflexivité de l’auteur.e sur sa propre vie.Le foisonnement biographique renvoie ainsi à deux mouvements conjoints : à la multiplication des discours de soi, sur un mode expressif (sur les réseaux numériques, mais aussi journaux intimes, autobiographies amateurs), ou sur une mode injonctif (aux guichets des institutions par exemple) d’une part, à la montée des approches et méthodes biographiques dans les sciences sociales et historiques d'autre part.

En effet, l’individuation (Beck, 1986 ; Dumont, 1983 ; Giddens, 1994 ; Taylor, 1989) en tant que processus s’accompagne d’une propension de plus en plus importante des acteurs.trices à se raconter. Les dispositifs de l’État social se fondent concrètement sur le postulat de l’empowerment, consistant à rendre l’individu « entrepreneur de sa propre vie » (Vrancken, 2008), et se traduisent dans le travail des professionnel.le.s du social par la prise en compte de la personne et de sa biographie (Astier, 2007 ; Duvoux, 2006). Se multiplient dès lors les lieux de parole et de mise en scène de soi, autour de la construction de « projets » (professionnel, de vie, de formation, de santé), réactualisant la question de l’« illusion biographique » (Bourdieu, 1986).

D’une part, ces espaces produisent des données mobilisables par les chercheur.e.s tout comme ils posent question sur la manière de les utiliser. D’autre part, l’entretien biographique utilisé dans la recherche peut être l’occasion pour les individus de mobiliser un ensemble de discours pré-fabriqués et pré-construits, ou, au contraire, de s’en distancier. Comment ces discours peuvent-ils migrer d’un contexte à un autre ? Quel rôle les réseaux sociaux jouent-ils dans la production de nouvelles formes de mise en scène de soi ?

Les récits de vie sont des narrations, des histoires personnelles et subjectives qui articulent les différents domaines de la vie, et qui peuvent révéler des bifurcations. Comment permettent-ils de comprendre des logiques individuelles situées dans des collectifs, des lieux, des mondes sociaux pour accéder aux logiques sociales de ces contextes et au-delà, aux processus sociaux (Bertaux, 1976, 2010, Collet & Veith, 2013, Cardon & Negroni, 2013) ? Les récits de vie invitent à redéfinir les frontières du privé et du public, et participent à la transformation des subjectivités. À la suite de la sociologie (Bertaux, 1981a) et de l’histoire, certaines disciplines comme les sciences de l’éducation ou la psychologie, se sont saisies de l’approche biographique non seulement comme d’un mode de recueil des données, mais aussi comme d’un outil d’intervention pédagogique et sociale (Delory-Momberger, 2000 ; Pineau, 1983). Se pose dès lors la question de savoir quel dialogue peut être établi entre différentes disciplines autour des méthodes biographiques ?

Les journées d’études qui se dérouleront à Paris (EHESS) les 10 et 11 mars 2016 seront particulièrement attentives au dialogue interdisciplinaire et aux innovations méthodologiques, que ce soit à travers les modes de production ou le type de données, ainsi qu’à leur croisement et à leur analyse.

 

Les communications s’articuleront autour des axes suivants :

Axe 1 : Injonction biographique et normalisation des parcours : les formes obligées du « discours sur soi »

Le tournant biographique (Astier, Duvoux, 2006), que ce soit dans les politiques publiques ou organisationnelles, pourrait être interprété comme un projet d'auto-contrôle. Il importerait finalement peu que les individus croient en leur « projet » et s’y conforment, l’adhésion demandée étant purement formelle. Quelles sont alors les modalités et les effets de cette forme obligée du discours biographique ? Quelles formes de résistances peut-on observer de la part des acteurs.trices ? Par quels biais et avec quels outils étudier cette forme singulière de discours ? En quoi le travail des chercheur.e.s peut-il renforcer ou questionner l’injonction biographique ?

Axe 2 : Récits singuliers, récit pluriel

Les chercheur.e.s qui mobilisent des données qualitatives ont pris l’habitude d’être en constante situation de justification de la validité de ces données souvent considérées comme trop circonscrites. Or, en prenant le contre-pied de cette injonction à « faire nombre » à défaut de « faire représentatif », il est possible de prendre appui sur un nombre restreint mais approfondi d’entretiens (Bertaux, 1981b), voire sur le discours d’une seule personne (Beaud, 1996). Que faire alors de ces données spécifiques ? Comment intégrer l’analyse de ces données dans un cadre d’interprétation sociologique qui dépasse les variables de l’expérience individuelle ? Un récit singulier est-il vraiment singulier (ou en quoi peut-il être exemplaire) ?

Axe 3 : Articulation des méthodes

Par ailleurs, l’analyse des parcours a également fait l’objet d’importantes recherches quantitatives permettant de mettre en ordre une diversité de singularités pour dégager des parcours types ou des séquences et des événements biographiques récurrents. Prenant acte de ces développements, nous proposons de continuer les débats entamés par certain.e.s. chercheur.e.s. (Bidart, Dupray, 2015 ; Ferrand, Imbert, 1993 ; Lelièvre, Robette, 2015) sur l’articulation et même la porosité entre les méthodes qualitatives et quantitatives dans l’analyse des parcours. Comment les données de type qualitatif peuvent-elles se soumettre à une analyse statistique : dans quelles conditions, dans quels buts et avec quels résultats ? Comment saisir la subjectivité des expériences biographiques dans une grande enquête quantitative ?

Axe 4 : La parole biographique du/de la chercheur.e : biographie, auto-biographie, auto-ethnographie

Cet axe s’intéressera aux récits de soi produits par des intellectuel.le.s, chercheur.e.s en quête de réflexivité sur leurs parcours et pratiques professionnelles. Ces pratiques d’écriture spécifiques occupent une place à part dans le champ de la production intellectuelle dans la mesure où elles engendrent des écrits hybrides, toujours à mi-chemin entre l’analyse introspective et le discours scientifique. Quelle place faut-il leur accorder dans la production intellectuelle ? Comment les utiliser, les analyser ?

Une autre démarche réflexive consiste en une auto-ethnographie visant à prendre pour objet d’observation sa propre institution et les pratiques professionnelles de ses membres (soi-même et ses collègues). Là encore, quel statut accorder à cette parole ? Comment les chercheur.e.s prennent-ils.elles en compte leur propre parcours pour resituer leur discours dans un contexte spécifique ?

Axe 5 : Mise en scène numérique de soi

Les rapports entre les individus sur Internet, et en particulier sur les réseaux sociaux, peuvent se concevoir comme des moments de mise en scène de soi qui répondent à des conventions spécifiques, notamment selon la plateforme utilisée. On ne parle en effet pas de soi de la même manière sur un blog, sur Twitter, sur Facebook ou sur LinkedIn. Quelles sont les spécificités du discours biographique numérique ? Quels sont les effets de cette mise en scène permanente de soi ? Dans quelle mesure Internet permet-il une mise en scène de soi à l’abri des processus de contrôle social ou tend-il plutôt à les invisibiliser ? En quoi cela constitue-t-il un objet et un outil spécifique pour l’étude des parcours biographiques ?

Axe 6 : Crédibilité et audibilité de la parole

Cet axe privilégiera les recherches s’intéressant aux acteurs.trices dont la parole est rendue inaudible du fait de la domination sociale dont ils.elles font l’objet. Le processus de délégitimation dont ils.elles sont victimes passe en effet par la remise en cause de la cohérence de leurs discours, de la validité de leurs propos et de l’importance sociale de ce qu’ils.elles auraient à dire. Ce faisant, cet axe s’intéressera en particulier aux méthodes qui permettent de recueillir la parole des enquêté.e.s dont la crédibilité est socialement questionnée (enfants, personnes atteintes de pathologies mentales ou dégénératives, personnes en situation de grande précarité, de domination sociale, raciale, genrée, etc.). Quelle méthodologie le.la chercheur.e peut-il.elle adopter pour recueillir ces discours ? Comment donner de la crédibilité scientifique à cette parole dans le cadre d’une enquête ? En quoi l’approche par les parcours peut-elle libérer la parole ou au contraire reproduire la domination ? Cette interrogation invite également à réfléchir aux dimensions éthiques de la recherche biographique : que faire des attentes que crée l’entretien chez l’enquêté.e ?

Axe 7 : Histoire et biographies

Cet axe s'intéressera au lien qui peut exister entre histoire et biographies. Il interrogera les usages biographiques en histoire, notamment suite à l’institutionnalisation de l’histoire des femmes et du genre (Thébaud, 2007) et celle de la famille (Hareven, 1978), et plus largement de l’usage des sources et archives orales en histoire contemporaine (Descamps, 2006). Il s’agira de comprendre, à travers le processus d’individuation, la manière dont l’histoire du genre et des femmes – mais aussi de certaines sous cultures (en contexte par exemple de migration ou post-colonial) – ont permis d’apporter des éclairages nouveaux sur une écriture plus globale de l’histoire attentive à ces acteurs et actrices. Inversement, il interrogera le rapport à l'histoire véhiculé dans le cadre de transmissions intergénérationnelles lors de récits biographiques.


 

Calendrier

  • Date limite d’envoi des propositions : 30 novembre 2015
  • Évaluation par le comité scientifique puis retour aux auteur.e.s : 15 janvier 2016
  • Date limite de rendu de la version écrite définitive (format article) : 28 février 2016
  • Dates du colloque : 10 & 11 mars 2016


Contact : colloquebiographies2016@gmail.com

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