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AAC > Bénévoles exilé.e.s: la mise au travail des migrant.e.s dans et par le champ associatif et humanitaire – 10 juin 2019

Journée d’étude à Paris, 26 septembre 2019

Appel à communication

Bénévoles exilé.e.s: la mise au travail des migrant.e.s dans et par le champ associatif et humanitaire

Date limite : lundi 10 juin 2019

Journée d’étude à Paris, 26 septembre 2019 (le lieu exact sera précisé ultérieurement)

Comité d’organisation : Agnès Aubry (IEPHI/CRAPUL) ; Simone Di Cecco (Paris Diderot/Urmis) ; Leila Drif (EHESS/IRIS)

En France, Italie, Suisse, comme en Angleterre, en Turquie ou au Liban, le bénévolat des migrant.e.s est un phénomène de plus en plus présent et, pourtant, sous-analysé. L’émergence et le développement de cette forme de travail non rémunéré semblent être liées à des exclusions plus ou moins formelles du marché du travail (Mezzadra, Neilson, 2013), en raison du statut juridique des migrant.e.s (demandeurs.ses d’asile, “sans papiers”, ou personnes en voie de régularisation). Le bénévolat des personnes migrantes répond également à des injonctions multiples, qui incitent à faire preuve de valeur civique, et à fournir le gage d’une “bonne intégration” à la société d’accueil (Chauvin, Garcés-Mascareñas, 2014). Souvent subsumé sous les traits de programmes d’empowerment, ce phénomène souffre ainsi d’une triple invisibilité : due au statut de réfugié.e/demandeur.se d’asile/sans papiers d’une part, à l’étiquette « bénévole » de ce travail d’autre part, mais aussi au champ dans lequel il s’exerce : celui des associations, ONG et institutions de l’asile (Drif, 2018).

Cette journée d’étude vise donc à explorer le rôle que jouent les champs associatif et humanitaire dans la mise au travail des personnes migrantes, à travers le bénévolat. En effet, associations et ONG constituent des lieux à la fois habilitants et contraignants (Palomares et Rabaud, 2006), pour les migrant.e.s : si ces derniers.ères peuvent apparaître comme un vivier de main d’œuvre gratuite pour des associations et ONG en manque de moyens, l’activité bénévole relève également de différentes tactiques mises en place par les personnes migrantes. En effet, il peut s’apparenter à des stratégies de professionnalisation à travers la construction de relations de travail ou l’acquisition de formations, mais peut aussi renvoyer à une volonté de reconnaissance publique (Tcholakova, 2013), et faire figure de levier vers une forme d’accès à une citoyenneté a minima (Muehlebach, 2012 ; Phillimore, Humphris, and Khan, 2018).

Cette journée d’étude a pour ambition d’examiner les différentes facettes et enjeux du travail bénévole des migrant.e.s, à la lumière des contextes migratoires, politiques et socioprofessionnels qui le produisent. Trois axes seront privilégiés :

Axe 1.  Les politiques du bénévolat migrant

Cet axe s’intéressera à la production du travail bénévole par les politiques publiques en général, et les politiques migratoires en particulier, qui visent à l’ “activation” (Barbier, 2002) des populations migrantes. En quoi celles-ci concourent-elles à produire des formes de travail bénévole ou gratuit réservées aux migrant.e.s ? Certains migrant.e.s bénévoles se voient, par exemple, conféré.e.s des pratiques d’intermédiation entre les institutions du dispositif d’asile et leur public migrant. A partir de l’examen de statuts intermédiaires tels que les interprètes- demandeurs.ses d’asile ou les ancien.ne.s demandeurs.ses d’asile devenu.e.s intervenant.e.s sociaux.ales, il s’agira de questionner l’usage de ces travailleurs.ses au sein de ce dispositif. Quels rôles jouent-ils/elles dans la mise en œuvre des politiques de l’asile ? Faut-il y voir un effet collatéral des temporalités des politiques migratoires (Clayton, Vickers, 2018) ? Un mode de personnalisation (Alexander, 2002) des procédures bureaucratiques de l’asile ?

Dans le même temps, le bénévolat des personnes migrantes peut renvoyer à d’autres types de tâches qui ne se rapportent pas directement au fonctionnement des politiques d’asile, mais qui s’inscrivent dans le processus plus large de privatisation des services publics, tels que les programmes de bénévolat d’aide à la personne (Scrinzi, 2018) ou l’entretien des espaces publics. Dès lors, on pourra se demander comment ce travail est mobilisé ou réapproprié par les autorités politiques locales (Aubry, 2018) ? Tout en étant le résultat d’une politique de sous- emploi (Simonet, 2010), en quoi le bénévolat migrant contribue, dans ce cadre, à la mise en œuvre de différentes politiques publiques ?

Axe 2. Le bénévolat migrant au regard de la division du travail associatif et humanitaire

Dans sa mise en œuvre, le travail bénévole des migrant.e.s est coproduit à l’intersection d’une pluralité d’identités (semi-)professionnelles, qu’il s’agisse des professionnel.le.s de l’asile ou des bénévoles/professionnel.le.s des différentes associations. Au sein du travail d'interprétation entre migrant.e.s et personnel des institutions d’asile s’opère, par exemple, de fortes distinctions de statuts entre les interprètes assermentés, les interprètes-pairs au statut non reconnu mais en voie de professionnalisation, et les « petits professionnels » (Lecler, Morival, Bouagga, 2018) (personnels de surveillance, de nettoyage, agents auxiliaires) souvent eux-mêmes issus de l’immigration, et sollicités au titre de leurs compétences « ethnicisées » (Divay, 2004) pour des tâches de traduction informelle. De la même manière, parmi les personnes bénévoles, la stratification des statuts et la division du travail recoupent des assignations diverses, structurantes d’une hiérarchisation des modes de reconnaissance de l’activité bénévole (Krinsky et Simonet, 2017).

Cet axe privilégiera les approches interactionnelles et situationnelles pour analyser la façon dont se déploie le travail bénévole des migrant.e.s, et la place qu’y tient celui-ci au sein des « économies volontaires » (Prince et Brown, 2016). Il visera donc à interroger les mécanismes concrets de division et de hiérarchisation du travail associatif ou humanitaire, et la façon dont ils participent à la (re)production de rapports sociaux de race, de sexe, de classe et de nationalité.

Axe 3. Tactiques, pratiques et carrières professionnelles des migrant.e.s bénévoles

Cet axe porte sur l’usage du bénévolat par les migrant.e.s, tout au long de leur parcours migratoire et parcours d’asile. Face aux discours politiques et médiatiques du « bon migrant », reproduit par les intervenant.e.s sociaux.ales ou par les acteurs.trices du monde associatif, qui présentent le bénévolat comme un devoir d’intégration et/ou comme une pratique facilitant le processus de régularisation, comment les migrant.e.s se positionnent-ils/elles? Nous proposons de prendre des distances avec une analyse percevant l’adhésion au bénévolat de ces migrant.e.s comme une acceptation passive de leur place dominée, sans pour autant reconduire cette adhésion à un “libre choix” qui invisibiliserait la présence d’injonctions multiples et les rapports de pouvoir.

La participation au bénévolat est souvent construite par les demandeurs.ses d’asile comme une étape stratégique dans leur parcours migratoire, que ce soit en amont d’une réinstallation par le HCR (Drif, 2018), ou au moment du dépôt de leur demande d’asile dans un pays d’accueil. Il convient donc de réinscrire l’adhésion des migrant.e.s au bénévolat dans la temporalité particulière de leur parcours migratoire (Di Cecco, 2019 ; Cwerner, 2001). Dans cette perspective, en quoi l’usage du bénévolat par les migrant.e.s correspond-il à une forme de subjectivation politique (Vickers, 2014), à des tactiques (de Certeau, 1990), mais aussi à une modalité d’incorporation de la rationalité néolibérale (Georgeou, 2012), poussant ces bénévoles à participer à leur propre “activation” ou mise au travail ?

En outre, l’on pourra se demander quelles sont les ressources mobilisées dans la construction de ces “carrières bénévoles” (Kaplan, 1988) ? Si ce travail est gratuit, comment les bénévoles migrant.e.s qui l’exercent se financent-ils/elles ? Le bénévolat reflète-t-il des stratégies de distinction mises en œuvre par les bénévoles migrant.e.s pour se différencier de ceux et celles qui n’ont pas les ressources nécessaires - matérielles ou symboliques - pour travailler bénévolement ? En quoi cette pratique peut-elle (re)produire des rapports de pouvoir entre migrant.e.s ?

*****

Nous invitons les chercheurs.ses intéressé.e.s par cet appel à envoyer leurs propositions de communication d’une page maximum, avant le 10 juin 2019 aux adresses suivantes : agnes.aubry@unil.ch, esse.dicecco@gmail.com, leiladrif@gmail.com

Les propositions préciseront la problématique de recherche, le terrain d’enquête et sa méthodologie, ainsi que les principaux résultats.

A consulter :

EHESS
CNRS
Sorbonne Paris Nord
INSERM

IRIS - CAMPUS CONDORCET
Bâtiment Recherche Sud
5 cours des Humanités
93322 Aubervilliers cedex
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IRIS - U. SORBONNE PARIS NORD
UFR SMBH 74 rue Marcel Cachin, 93017 Bobigny cedex
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