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Cycle "Images et terrains" > Paroles, langues, silences : le cinéma comme on l'entend

EHESS, salle 587, mercredi 30 et jeudi 31 mars 2016

Cycle

Cycle "Images et Terrains"
Paroles, langues, silences : le cinéma comme on l’entend.

Mercredi 30 et jeudi 31 mars 2016,EHESS, salle 587, 190 avenue de France 75013 Paris

 

Atelier organisé par Eliane de Latour

Le cycle « Images et Terrains » reprend son cours par une réflexion sur un thème de cinéma en résonance avec les mouvements de subjectivation qui traversent méthodes d’investigation, formulations des idées, styles d’écriture, restitutions des connaissances.

« Le cinéma enregistre une langue, parfois plusieurs, dès lors qu’il enregistre une parole. »

Marie-Pierre Muller Duhamel

 

Improvisée, dialoguée et écrite, la langue des acteurs - à la fois performée et retaillée au mot près - émane d’un corps qui en complexifie le sens par les gestes, le souffle, la musicalité de la voix, la diction et ses rythmes... Un entre-mots-et-silences, nécessairement relié au temps, qui occupe un rôle central dans la scansion du film. Personne, groupe, institution (savante, politique, religieuse...), chacun possède sa rhétorique et son expressivité.

Tout parle, mais d’où ? Comment se formule ce qui fait sens pour nous spectateur ? Comment s’opère la mise en scène de la parole ou de la communication dans une narration ? In ou off ? En avant ou arrière plan ? Dans quel rapport avec l’image ? On pourrait imaginer un "effet Koulechov" sonore, expérimenter un même son dans sa mise en relation avec des images différentes. Ou l’inverse. Avec quelles techniques travaille t-on la voix ? Micros, sons directs/post synchro, traitement au montage (nettoyage, remplacement, ajouts), sound design, mixage, bruitage...

Quel choix de langue, quels accents, quels dialectes, quelles langues nobles ? Quand une langue est étrangère, comment est elle traduite, restituée, comprise, sentie ? Le marketing international impose de plus en plus souvent un anglais véhiculaire - fonctionnel et sans saveur - pour simplifier la commercialisation, les traductions, les doublages. Comment résiste-t-on à ces "grandes lessiveuses"?

Elles effacent toute aspérité, réduisent au plus dénominateur commun quand le cinéma donne le singulier : cette personne, cet arbre, cette boite de conserve, à cet instant là et dans cet espace là.

Peut-on filmer, et comment, qui l'on ne comprend pas ?

On peut envisager aussi des travaux purement sonores comme on en entend beaucoup en ethnographie.

 

Mercredi 30 mars 2016

9h30 : Présentation, par Eliane de Latour

10h : Chowra Makaremi Comment passer du témoignage écrit au film ?

Réflexions, idées et difficultés sur l'inclusion du livre Les Cahiers d'Aziz 
dans mon projet de film qui porte sur ce même sujet : en persan ? en français ? lu par qui ? quelles images ?

11h : Julie Métais et Chiara Calzolaio Oooooorale. Du son et de l'ethnographie au Mexique.

Basée sur nos terrains respectifs au Mexique (l'une à Oaxaca, l'autre à Ciudad Juarez), une présentation à deux voix qui permette de réfléchir aux liens entre ethnographie et dimensions sonores de nos terrains. Nous mobiliserons un certain nombre d'enregistrements faits ces dernières années pour nos thèses.

12h : Eliane de Latour Langues urbaines à Abidjan : le nouchi et/ou le français ?

Bronx Barbès est « réaliste » au sens d’un cinéma des « subalternes » (néo réalisme italien etc), mais il n’est pas « naturalistes », il se situe dans l’imaginaire des ghettomen, ce qu’ils voudraient être plus que ce qu’ils sont lorsqu’on les aperçoit regroupés aux coins des rues, agités ou amorphes, « tenant les murs ». Derrière ces apparences, une vie cryptée nourrie de mouvements brusques qui les entrainent en des chevauchées impulsives autour de braquages nocturnes et de fêtes. Les liens très forts entre vieux pères et fistons ne sont pas visibles au premier abord. L’amour entre Go et Gars se sait plus qu’il ne se voit.

Le nouchi [français de rue d’Abidjan] apporte la poésie qui glisse comme une manière d’être de l’intérieur. J’écris les dialogues dans cette langue tout en me saisissant du langage du corps [lôgôbi] pour faire passer cette fiction dans laquelle on se chante et on meurt réellement. Par opposition, je montrerai un extrait d’une série de la Tv ivoirienne sur la cyber criminalité. Les acteurs parlent comme dans Braquo ou Enquêtes criminelles... peu en nouchi qui fait peur au sens cela primitiviserait la représentation d’un soi « africain » sur les écrans.

14h : Nicolas Jaoul Fables de la rue. La parole politique des Dalit Panthers

A partir des années 70, le mouvement des Dalit Panthers, adaptation des Black Panthers par la jeunesse Dalit, est né d’un mouvement littéraire, celui des biographies de Dalits, qui ont permis de faire émerger ces expériences subalternes de l’oppression de caste. Cette littérature Dalit aujourd’hui consacrée internationalement, a pour la première fois en Inde fait un usage littéraire de l’argot des bidonvilles et des faubourgs. Par rapport au mouvement ambedkariste traditionnel des ainés, plus "domino-centriques" ou élitistes dans leur rapport à la langue, cette rébellion prolétarienne inspirée des Black Panthers a constitué une rupture générationnelle dans le mouvement anti-castes. Dans les années 1990, lors de mon enquête de terrain avec les Dalit Panthers de Kanpur, j’ai pu filmer cette parole qui mêle l’argot, le maniement ironique du sanskrit (la langue des ennemis de caste), le dialecte paysan, la poésie Urdu et l’anglais. A partir de certaines séquences filmées, je propose de réfléchir à cette multiplicité des registres du langage, ainsi qu'à la dimension esthétique des processus de subjectivation et d’émancipation.

15h : Alban Bensa L'oubli ou le souci de la langue dans la méthode et la théorie anthropologiques

L'ethnographie par l'effort de "l'apprentissage" de langue locale introduit-elle à une autre compréhension du monde social décrit ? Les ethnologues parlent ou même comprennent rarement la langue maternelle parlée dans le groupe qu'ils étudient. Le recours à une langue véhiculaire ou à des interprètes permet le plus souvent de contourner l'obstacle. Pourtant les mêmes ethnologues glosent abondamment sur la pensée des indigènes, leur culture, leurs conceptions du monde, etc. On s'interrogera sur ce tour de passe-passe et on se demandera si on arrive aux mêmes résultats en apprenant la langue locale, en s'adonnant à des transcriptions, des traductions, c'est à dire à une écoute rigoureuse des énoncés en situation. L'ethnologie n'est elle finalement qu'une voix off ?

Un extrait de film en contre point.

16h : Michèle Leclerc Olive Plurilinguisme et traduction. Entre éthique et contraintes techniques.

En littérature, les débats entre traducteurs –notamment entre les « sourcistes » [parti de la langue de départ] et les « ciblistes » [parti de la langue cible, la langue d’arrivée] – sont des affrontements sans fin. Au cinéma, quand on sous-titre, s’ajoute l’obligation de respecter le temps de la lecture que ce soit pour la traduction, non seulement vers notre langue, mais aussi vers des langues dont les locuteurs sont peu alphabétisés. Faudrait-il alors doubler plutôt que sous-titrer ? Se pose également le problème de la restitution des différences de langues, d’accents, de styles qui sont des éléments importants de l’histoire elle-même. Dans « Before the Rain » [1994, Lion d’or Venise], par exemple, les deux personnages de la première séquence parlent des langues différentes, mais proches pour une oreille non avertie. La traduction et le sous-titrage gomment cet élément dramatique.

L'objectif de cette communication est d'essayer de clarifier la formulation 1) des contraintes techniques propres à la traduction des discours d'une œuvre cinématographique et 2) des exigences éthiques attachées aux différentes dimensions de la "fidélité" à l'œuvre. Afin, non pas de formuler des recommandations, mais de circonscrire les potentialités différentes des écritures cinématographiques et littéraires. Où l'on pourrait bien débusquer un paradoxe : le cinéma qui à première vue aurait partie liée avec l'oralité, ne serait-il pas, au final, moins bien doté que la littérature et l'écrit pour restituer les plurilinguismes comme éléments dramatiques d'une histoire ?

 

Jeudi 31 mars 2016

Après avoir écouté les exposés de la veille, Marie-Pierre Muller Duhamel proposera proposera des extraits de films concernant chacune des présentations.

Critique, programmatrice et traductrice de cinéma, Marie Pierre Muller Duhamel a été membre du Comité de sélection officiel Mostra Cinéma de Venise [2005 à 2013], adjointe à la programmation internationale. Elle a enseigné à l'Université Pompeu Fabra Barcelone, et à l' Université Grenoble 3, aujourd’hui elle est à la FEMIS. Elle est programmatrice pour le centre de culture contemporaine Barcelone, des salles et festivals en France. Elle a été directrice du Festival du Cinéma du Réel à Beaubourg pendant plusieurs années. Elle est également auteur et traductrice de cinéma, notamment des films chinois.

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